Conseil d’Etat, 9 mai 2023, n°451710, Région Ile-de-France c. Bouygues Bâtiment IDF et a.
Dans une décision rendue mardi 9 mai, le Conseil d’Etat est venu apporter des précisions quant aux modalités de mise en œuvre d’actions en justice fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle des auteurs de pratiques anticoncurrentielles commises à l’occasion de la passation d’un marché public dans des circonstances relativement complexes.
Il s’agissait dans le cas de déterminer la point de départ du délai de prescription de telles actions : le Conseil d’Etat a alors déterminé qu’il s’agissait de la date à laquelle la personne publique a eu connaissance de manière suffisamment certaine de l’étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime de la part des titulaires des marchés.
En l’espèce, le cas était très particulier puisque certains organes de la Région avaient connaissance de telles pratiques mais pas les organes qui leur ont succédés. Dès lors, il était difficile de déterminer le point de départ du délai de prescription pour de telles actions.
Aux termes d’un long arrêt, le Conseil d’Etat estime qu’ « Il résulte de l’article 2224 du code civil, du II de l’article 26 de loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, de l’article 2270-1 du code civil, en vigueur jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, des articles L. 481-1 et L. 482-1 du code de commerce et de l’article 12 de l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 que jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, les actions fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle des auteurs de pratiques anticoncurrentielles se prescrivaient par dix ans à compter de la manifestation du dommage. Après l’entrée en vigueur de cette loi, la prescription de ces conclusions est régie par l’article 2224 du code civil fixant une prescription de cinq ans. S’applique, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 9 mars 2017 relatives aux actions en dommage et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles, l’article L. 482-1 du code de commerce. »
Le Conseil d’Etat se base donc à la fois sur les dispositions du Code civil et du Code de commerce pour déterminer les modalités d’action en responsabilité pour pratiques anticoncurrentielles dans la cadre de marchés publics.
Aussi, de manière relativement logique compte tenu de la jurisprudence en la matière, les juges du Palais Royal ont précisé que « Pour l’application de l’ensemble de ces dispositions, le délai de prescription qu’elles prévoient ne peut commencer à courir avant la date à laquelle la personne publique a eu connaissance de manière suffisamment certaine de l’étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime de la part des titulaires des marchés. Dans l’hypothèse où le préjudice de la personne publique résulte de pratiques auxquelles ses organes dirigeants ont participé, de sorte qu’en raison de leur implication elle n’a pu faire valoir ses droits à réparation, la prescription ne peut courir qu’à la date à laquelle, après le remplacement de ses organes dirigeants, les nouveaux organes dirigeants, étrangers à la mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles, acquièrent une connaissance suffisamment certaine de l’étendue de ces pratiques. »*
Le Conseil d’Etat conclut ainsi qu’il n’existe pas de présomption de transmission de la connaissance de tels faits entre différents organes d’une même personne publique qui se succèdent.