Retour sur la loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite

Loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite

Proposée en réaction aux nombreux faits divers ayant fait les titres de l’actualité ces dernières années, cette nouvelle loi a pour ambition principale de « mieux réprimer le squat » mais également de sécuriser les rapports locatifs et de renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté.

  • Mieux réprimer le squat

La loi du 27 juillet crée un nouveau chapitre au Code pénal intitulé « De l’occupation frauduleuse d’un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel »

  • De nouvelles dispositions dans le code pénal

Ce nouveau chapitre introduit deux nouveaux articles :

Le nouvel article 315-1 réprime « l’introduction dans un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte, hors les cas où la loi le permet, [à hauteur] de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. »

Il précise également que « Le maintien dans le local à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines. »Le second, le nouvel article 315-2, réprime quant à lui « Le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois est puni de 7 500 euros d’amende. »Il est néanmoins précisé que l’article «n’est pas applicable lorsque l’occupant bénéficie des dispositions de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, lorsque le juge de l’exécution est saisi sur le fondement de l’article L. 412-3 du même code, jusqu’à la décision rejetant la demande ou jusqu’à l’expiration des délais accordés par le juge à l’occupant, ou lorsque le logement appartient à un bailleur social ou à une personne morale de droit public. »

  • Des modifications dans le domaine du droit civil

Un élargissement des dispositions du code des procédures civiles d’exécution

Dans le cadre de son examen a priori de la constitutionnalité de la loi, le Conseil constitutionnel a émis des réserves aux dispositions de l’article 6 qui étend notamment la procédure administrative d’expulsion d’un domicile à tous les locaux à usage d’habitation (ouvrant dès lors la voie aux résidences secondaires).

En effet, le premier paragraphe de l’article indique que « constitue notamment le domicile d’une personne, au sens du présent article, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non. »

Les juges du Palais-Royal ont tenu à préciser que « s’il est loisible au législateur de prévoir, à cet effet, que constitue notamment le domicile d’une personne un local d’habitation dans lequel se trouvent des biens meubles lui appartenant, la présence de tels meubles ne saurait, sans méconnaître le principe de nécessité des délits et des peines, permettre, à elle seule, de caractériser le délit de violation de domicile. Il appartiendra dès lors au juge d’apprécier si la présence de ces meubles permet de considérer que cette personne a le droit de s’y dire chez elle ».

Sur la responsabilité des propriétaires du fait des dommages nés d’un défaut d’entretien

Le Conseil constitutionnel a cependant totalement censuré l’article 7 de la présente loi qui modifiait l’article 1244 du code civil de telle manière que le propriétaire d’un bien immobilier occupé illicitement ne soit plus soumis à une obligation d’entretien et de l’exonérer de sa responsabilité en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien de ce bien.

En effet, les juges constitutionnels soulignent que ces dispositions « portent une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’obtenir réparation du préjudice résultant du défaut d’entretien d’un bâtiment en ruine. »

Enfin, l’article 8 modifie notamment l’article 29 de la loi du 23 novembre 2018 afin de pérenniser le dispositif qui avait préalablement été mis en place à titre expérimental afin d’assurer la protection et la préservation de locaux vacants par l’occupation de résidents temporaires, notamment à des fins de logement, d’hébergement, d’insertion et d’accompagnement social, mais également pour autoriser, dans le cadre de ce dispositif, la constatation de l’occupation sans droit ni titre des lieux selon la procédure de l’ordonnance sur requête.

Il modifie également l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution afin d’étendre aux lieux occupés en vertu de ce dispositif la possibilité pour le juge de réduire ou supprimer le délai de deux mois qui suit le commandement d’avoir à libérer les locaux.

  • Sécuriser les rapports locatifs

Le second chapitre de la loi a pour objet de sécuriser les rapports locatifs en modifiant la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et notamment son article 24 relatif à la clause de résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement de loyers ou des charges.

La nouvelle loi impose en effet que cette clause soit désormais prévue dans tous les contrats de bail d’habitation.

Outre cela, il est désormais indiqué que le préfet doit informer le locataire de son droit de demander au juge de lui accorder des délais de paiement.

Pour obtenir un délai judiciaire de grâce, il est désormais nécessaire de procéder au remboursement des arriérés : la clause de résiliation est dès lors suspendue mais peut reprendre dès le premier impayé.

De plus, ce n’est plus le préfet de fixer, par arrêté, le montant et l’ancienneté de la dette au-delà desquels les commandements de payer sont signalés par le commissaire de justice à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives : le commissaire de justice le fait automatiquement dès que la dette atteint deux fois le montant du loyer ou des charges.

Enfin, l’article 10 de la loi commentée réviser les articles L.412-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution afin de faciliter les procédures d’expulsion en permettant au juge de passer outre le délai de deux mois de protection avant de procéder à l’expulsion dès lors qu’il conteste la mauvaise foi manifeste de l’occupant.

Cet article précise également que les délais de grâce à l’expulsion pouvant être octroyés par le juge ne peuvent être inférieurs à un mois et supérieurs à un an.

  • Renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté

Dans son dernier chapitre, la loi réécrit les missions de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, décrite à l’article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.

Elle intègre les nouvelles dispositions de la présente loi et cherche avant tout à mieux coordonner les différents services entre les commissaires de justice, l’Etat, le juge ainsi que les services sociaux en modifiant l’article L. 824-2 du code de la construction et de l’habitation afin de permettre aux organismes tels que la CAF de solliciter la commission pour déterminer si cette dernière doit continuer à verser les aides.

 

Antoine de Griève