Un meublé touristique ne respecte pas la clause d’habitation bourgeoise d’une copropriété

Cour d’appel de Grenoble, 23 mai 2023, n°21-03445

 

Dans cette décision, la Cour d’appel de Grenoble avait à se prononcer sur une assignation formée par des copropriétaires d’un immeuble contre des propriétaires qui louaient de manière continue leur appartement.

 

Les voisins, estimant que les changements incessants de locataires, ont donc saisi la juridiction judiciaire afin que la clause d’habitation bourgeoise comprise dans le règlement de leur copropriété soit respectée.

 

Pour rappel, la clause d’habitation bourgeoise se définit comme l’obligation pour chaque propriétaire ou son locataire de respecter le caractère bourgeois de l’immeuble, c’est-à-dire sa vocation à être un immeuble d’habitation. Par conséquence, les activités commerciales, artisanales et industrielles sont prohibées au sein de l’immeuble (Ccass., Civ. 3e, 14 octobre 1964).

 

A l’inverse, un meublé de tourisme est assimilé, selon l’article D.321-1 du Code du tourisme, à « des villas, appartements, ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts en location à une clientèle de passage qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois, et qui n’y élit pas domicile ».

 

Toutefois, pour qu’un meublé de tourisme puisse être assimilé à une activité commerciale, il faudrait que la location soit accompagnée de prestations para-hôtelières comme la fourniture de petits-déjeuners par exemple, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

 

Or, les propriétaires avaient déclaré leur appartement en tant que meublé de tourisme en qualité de professionnel auprès de la mairie, en application de l’article L. 324-4 du code de tourisme.

 

De plus, les propriétaires se présentaient comme des gérants immobilier/professionnel sur l’annonce Abritel et indiquaient disposer d’autres adresses.

 

Dès lors, la Cour d’appel relève que « la multiplicité et la rotation élevée des occupants contreviennent à l’exigence de stabilité et de quiétude propre à l’occupation bourgeoise de l’immeuble fixée par le règlement de copropriété, étant en outre observé que les passages des différents locataires conduisent à avoir des parties communes très sales, ainsi qu’une multitude de véhicules en stationnement sur le parking dont le nombre n’est pas compatible avec la taille de l’immeuble, composé de seulement quatre logements. »

 

Elle en déduit ainsi qu’ « il est établi que la location de cet appartement constitue une activité commerciale qui est incompatible avec l’occupation bourgeoise visée dans le règlement de copropriété. Il y a donc bien violation de ce dernier. »

 

Enfin, elle souligne que « selon l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version applicable lors de l’assemblée litigieuse, le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu’en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble. »

 

Elle fait remarquer que « Tout copropriétaire peut néanmoins exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d’en informer le syndic. Il résulte de ce texte et d’une jurisprudence constante que lorsque le copropriétaire agit seul pour la défense de la propriété ou de la jouissance de son lot, il doit informer le syndic, cette formalité n’étant toutefois pas requise à peine d’irrecevabilité de la demande. »

 

La Cour d’appel accède donc à la demande des copropriétaires lésés et alloue à chacun des intimés une somme de 5 000 euros, compte tenu de la nature du trouble et de la durée de celui-ci.

 

Cette décision est intéressante en ce qu’elle permet de mettre en évidence une voie pas nécessairement connue pour répondre au mouvement parfois incontrôlable des meublés de tourisme qui viennent troubler la quiétude de zones d’habitation.

Antoine de Griève