Dans un très important arrêt « SBA » du 16 novembre 2022, n°21-10.126, la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue préciser les modalités de fin de contrat en cas de faute entre un agent commercial et un mandant : elle est venue affirmer tout d’abord la nécessité d’une appréciation in concreto avant d’établir les modalités d’indemnisation pour l’agent en fin de contrat.
Sur la résiliation du contrat pour faute du mandant
L’arrêt en question est venu réaffirmer ce qui peu apparaitre comme une évidence : l’agent peut bien rompre le contrat en cas de faute du mandant. L’arrêt illustre bien les différentes fautes qui peuvent conduire à une telle rupture du contrat :
- Lorsque le mandant refuse de transmettre des informations nécessaires au calcul des commissions de l’agent ;
- Lorsque le mandant commercialise des produits confiés à l’agent ;
Néanmoins, à cet égard, il convient de souligner que le raisonnement de la Cour tend vers une appréciation in concreto de la faute du mandant : ce dernier n’est pas toujours fautif lorsqu’il commercialise des produits confiés à l’agent.
La décision est en revanche peu claire sur l’établissement d’un critère permettant de déterminer s’il y a faute du mandant : un arrêt de la CA de Paris évoque « une atteinte aux conditions d’exercice par [l’agent] de son mandat » et une « attitude déloyale [du mandant] qui prend des engagements vis-à-vis de son mandataire et ne les respecte pas » (Paris, pôle 5 – ch. 5, 5 nov. 2020, n° 18/01041, préc.).
Dès lors, il apparait pertinent dans ce contexte d’encadrer contractuellement la commercialisation des produits par le mandant, notamment en ligne, afin d’éviter toute difficulté par la suite.
Sur l’indemnité de fin de contrat
L’arrêt a également un autre apport important puisqu’il vient compléter un revirement de jurisprudence effectué dans l’arrêt Acopal du même jour qui détermine que pour retirer tout droit à indemnité de fin de contrat, il est nécessaire de remplir deux conditions :
- le mandant doit être à l’initiative de la rupture ;
- la faute grave doit être mentionnée dès le courrier de rupture. Voilà la seule situation où la faute grave prive l’agent de son indemnité.
Dès lors, dans le présent arrêt, la chambre commerciale adopte la solution complémentaire : lorsque l’agent est à l’initiative de la rupture, l’indemnité de fin de contrat lui est acquise, « quand bien même celui-ci aurait commis une faute grave dans l’exécution du contrat » (arrêt, § 5).
- Absence d’effet de la faute grave non dénoncée sur le principe de l’indemnité.
Ainsi, le principe devient celui de l’absence d’effet de la faute grave non dénoncée sur le principe d’indemnité. Toutefois, bien évidemment, il pourra y avoir une réduction du montant de l’indemnité via la faute grave non dénoncée.
- Calcul de l’indemnité de fin de contrat : les commissions perçues pour les opérations postérieures à la rupture sont à intégrer
En pratique, il est fréquent que des contrats, liés à l’activité de l’agent, soient conclus peu de temps après la fin du contrat d’agence commerciale. Dans une telle situation, l’agent a droit au paiement de ces commissions « post-contractuelles » (C. com., art. L. 134-7).
- Influence des commissions postcontractuelles sur l’indemnité de fin de contrat. Les commissions perçues par l’agent ont une influence sur l’indemnité de fin de contrat : elles permettent d’en calculer le montant. L’indemnité est généralement égale à deux années de commissions perçues par l’agent, calculées sur la moyenne des deux ou trois dernières années du contrat. Cette règle connaît des tempéraments, voire des exceptions, mais elle demeure un guide souvent adopté.
L’arrêt SBA apporte une précision importante et favorable aux agents : les commissions postcontractuelles doivent intégrer l’assiette de calcul de l’indemnité de fin de contrat.