Cour administrative d’appel de Lyon, 1e chambre, 12 décembre 2023, n°21LY04307
Dans un arrêt du 12 décembre dernier, la Cour administrative d’appel de Lyon a eu à se prononcer sur le mode de preuve du point de départ du délai de contestation d’un permis de construire, à savoir l’affichage de ce dernier.
Avant toute chose, la cour a rappelé qu’aux termes l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme : « Le délai de recours contentieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir court à l’égard des tiers à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l’article R. 424-15 »
Dans un considérant de principe, elle a déduit de l’article précité que « La preuve de la réalité, de la régularité et de la continuité de l’affichage du permis de construire sur le terrain peut être apportée par le bénéficiaire du permis de construire par tout moyen. »
Elle remarque en effet qu’ « en imposant que figurent sur le panneau d’affichage du permis de construire diverses informations sur les caractéristiques de la construction projetée, les dispositions citées au point précédent ont pour objet de permettre aux tiers, à la seule lecture de ce panneau, d’apprécier l’importance et la consistance du projet. »
Elle souligne ainsi que « s’il incombe au bénéficiaire d’un permis de construire de justifier qu’il a bien rempli les formalités d’affichage prescrites par les dispositions précitées, le juge doit apprécier la continuité de l’affichage en examinant l’ensemble des pièces qui figurent au dossier qui lui est soumis. »
En l’espèce, la Cour relève que l’ « huissier (désormais commissaire de justice) a attesté s’être connecté avec son propre matériel informatique à l’adresse internet du coffre-fort numérique sécurisé » Digiposte » ouvert par les bénéficiaires du permis de construire en litige, en détaillant les modalités précises de connexion. Il a inséré dans son constat des captures d’écran des cinq photographies d’affichage sur le terrain de ce permis, qui se trouvent dans ce coffre-fort et qui indiquent leurs dates d’insertion, les 28 septembre, 1er octobre et 8 décembre 2017. »
La Cour souligne par ailleurs que l’huissier relevait « dans ce même constat s’être déplacé sur les lieux, le jour de ce constat, pour relever l’exactitude de la géolocalisation, en prenant à cette date à nouveau des photographies du panneau et en soulignant qu’elles corroborent les photographies précédemment prises, tant dans leur contenu que leur emplacement. Ces constatations sont, en outre, corroborées par diverses attestations produites par les pétitionnaires dont l’une, bien qu’établie le 11 juin 2020, est suffisamment circonstanciée. »
La Cour déduit ainsi que ces constatations « permettent d’établir l’existence et la continuité de l’affichage du permis de construire » relevant que « la circonstance que le panneau d’affichage ait été déplacé de quelques mètres le long de la même façade étant sans incidence sur la réalité et la continuité de celui-ci. »
Elle souligne ensuite que « si la date d’affichage en mairie du permis et si l’adresse de la commune ne sont pas indiquées sur le panneau d’affichage, ces erreurs ne sont pas de nature à affecter la capacité des tiers à identifier, à la seule lecture de ce panneau d’affichage, l’administration à laquelle il convient de s’adresser pour consulter le dossier. »
Enfin, pour répondre à l’ensemble des moyens soulevés par les requérants, la Cour relève que « compte tenu en particulier de la nature du projet, qui consiste, ainsi que le mentionne la notice descriptive, en la transformation d’un ancien local de cinq logements en une maison individuelle, pour l’essentiel dans l’enveloppe de la construction existante, le panneau d’affichage n’avait pas à préciser la surface du bâtiment à démolir, la circonstance suivant laquelle M. et Mme E… auraient en réalité procédé à la démolition quasi-complète de la maison d’habitation concernant uniquement l’exécution des travaux et non la régularité de l’affichage du permis de construire en litige. »
Cette décision de la Cour administrative d’appel de Lyon démontre donc bien que l’affichage d’un permis de construire peut se faire par tout moyen, y compris par le versement de photographies sur un « coffre-fort » numérique sécurisé, dès lors que celui-ci est constaté sur les lieux par un huissier (désormais commissaire de justice).
Antoine de Griève