Conseil d’Etat, 19 juillet 2023, n°465308, Sté Seateam Aviation
Une société avait postulé, dans le cadre d’un appel d’offres, pour réaliser les lots n°1 et 2 d’un marché de fournitures mais ses offres avaient été rejetées par des décisions du 19 août 2010.
La société évincée avait déposé un recours en contestation de la validité de ce contrat en juin 2012, qui avait été rejeté en octobre 2014 au motif qu’elle n’avait ni produit l’acte d’engagement signé par le ministre de la défense et l’attributaire du marché ni justifié d’une impossibilité d’obtenir ce document, ne constituait pas une circonstance particulière justifiant de proroger au-delà d’un an le délai raisonnable dans lequel elle pouvait exercer un recours juridictionnel.
La société a alors introduit un nouveau recours en 2019 devant le Tribunal administratif de Toulon, qui est finalement parvenu jusqu’au Conseil d’Etat qui a du statuer sur la question de la validité de ce recours.
Le Conseil d’Etat fait remarquer d’une part que, comme issu de ses jurisprudences, « indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif est recevable à former devant ce juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires. »
Il souligne alors que ce recours doit être exercé dans un délai de deux mois « mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. » Etant précisé que ce délai « ne peut commencer à courir que si ces mesures indiquent au moins l’objet du contrat et l’identité des parties contractantes ainsi que les coordonnées, postales ou électroniques, du service auprès duquel le contrat peut être consulté. »
Enfin, le Conseil d’Etat pose la véritable portée de cet arrêt qu’est la reconnaissance d’un délai raisonnable « Czabaj » pour ce type de recours.
Il estime en effet que « le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que la validité d’un contrat administratif puisse être contestée indéfiniment par les tiers au contrat. »
Il précise alors que « dans le cas où, faute que tout ou partie des mesures de publicité appropriées mentionnées au point précédent aient été accomplies, le délai de recours contentieux de deux mois n’a pas commencé à courir, le recours en contestation de la validité du contrat ne peut être présenté au-delà d’un délai raisonnable à compter de la date à laquelle il est établi que le requérant a eu connaissance, par une publicité incomplète ou par tout autre moyen, de la conclusion du contrat, c’est-à-dire de son objet et des parties contractantes. En règle générale et sauf circonstance particulière dont se prévaudrait le requérant, un délai excédant un an ne peut être regardé comme raisonnable. »
Ainsi, en l’absence de publicité des éléments nécessaires à la constitution d’un recours en annulation d’un contrat par un candidat évincé, ce dernier dispose d’un délai raisonnable d’un an à partir de sa prise de connaissance de l’objet du contrat et des parties contractantes pour intenter un recours devant la juridiction administrative.
Pour rappel :
Cf. CE, Assemblée, 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, n° 291545, p. 360. Rappr., pour l’extension du recours en contestation de la validité du contrat aux autres catégories de tiers, à l’encontre des contrats signés à compter du 4 avril 2014, CE, Assemblée, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994, p. 70.
Cf., en l’étendant au recours en contestation de la validité d’un contrat administratif par un concurrent évincé, CE, Assemblée, 13 juillet 2016, M. , n° 387763, p. 340. ou encore. CE, 3 juin 2020, Centre hospitalier d’Avignon et Société hospitalière d’assurances mutuelles (SHAM), n°s 428845 428847, T. p. 842.