Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 17 octobre 2023, n°465913 et CE 17 octobre 2023 SIEL Territoire d’énergie Loire, req. n° 469071
Dans un arrêt remarqué, le Conseil d’Etat a précisé les modalités dans lesquelles un sous-traitant peut bénéficier du paiement direct de la part de l’adjudicateur.
Dans la première affaire, il était question d’une entreprise sous-traitante qui, reconnaissant le bien-fondé de certaines moins-values résultant de ses actes, a sollicité paiement de ses facteurs à l’attributaire du marché. En l’absence de réponse de ce dernier, l’entreprise sous-traitante a sollicité le paiement directement auprès de la Commune adjudicatrice, qui a refusé.
L’entreprise sous-traitante a donc demandé au Tribunal administratif de condamner la Commune à lui verses les sommes dues ainsi que les intérêts moratoires. Ce dernier a rejeté ces conclusions, mais la Cour administrative d’appel a en revanche condamné la Commune au versement des sommes en cause.
La Commune s’est pourvue en cassation, amenant le Conseil d’Etat à se poser sur ladite question du droit de paiement direct des sous-traitants.
Avant toute chose, le Conseil d’Etat souligne que « aux termes de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : « Au sens de la présente loi, la sous-traitance est l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage ». Aux termes de l’article 6 de la même loi : « Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l’ouvrage est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l’exécution () ». »
Il relève ensuite que « Les décisions d’accepter une entreprise en qualité de sous-traitante et d’agréer ses conditions de paiement ne sont susceptibles d’ouvrir à celle-ci un droit au paiement direct de ses prestations que pour autant que ces prestations relèvent effectivement du champ d’application de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, lequel ne concerne que les prestations relatives à l’exécution d’une part du marché, à l’exclusion de simples fournitures au titulaire du marché conclu avec le maître de l’ouvrage. Des biens présentant des spécificités destinées à satisfaire des exigences particulières d’un marché déterminé ne peuvent être regardés, pour l’application de ces dispositions, comme de simples fournitures. »
En l’espèce, le Conseil d’Etat valide l’appréciation souveraine de la cour administrative d’appel qui avait reconnu la qualité de contrat de sous-traitance pour le contrat conclu entre l’entreprise sous-traitante et la titulaire du marché.
Ce dernier applique dès lors l’article 116 du Code des marchés publics, en vigueur au moment de la conclusion dudit contrat, et qui prévoyait que : « Le sous-traitant adresse sa demande de paiement libellée au nom du pouvoir adjudicateur au titulaire du marché, sous pli recommandé avec accusé de réception, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé./ Le titulaire dispose d’un délai de quinze jours à compter de la signature de l’accusé de réception ou du récépissé pour donner son accord ou notifier un refus, d’une part, au sous-traitant et, d’autre part, au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée par lui dans le marché./ Le sous-traitant adresse également sa demande de paiement au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée dans le marché par le pouvoir adjudicateur, accompagnée des factures et de l’accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou de l’avis postal attestant que le pli a été refusé ou n’a pas été réclamé./ Le pouvoir adjudicateur ou la personne désignée par lui dans le marché adresse sans délai au titulaire une copie des factures produites par le sous-traitant () ».
Enfin, le Conseil d’Etat souligne également qu’ « Aux termes de l’article 8 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : « L’entrepreneur principal dispose d’un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d’acceptation./ Passé ce délai, l’entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu’il n’a pas expressément acceptées ou refusées./ Les notifications prévues à l’alinéa 1er sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception ». »
Les juges du Palais-Royal concluent ainsi qu’ « il résulte de ces dispositions que, si l’entrepreneur principal dispose d’un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle il a été saisi par le sous-traitant d’une demande tendant à son paiement direct par le maître d’ouvrage, pour faire connaître son acceptation ou son refus motivé, il doit, faute d’avoir formulé un tel refus dans ce délai, être regardé comme ayant accepté définitivement la demande de paiement. Dès lors, le refus qu’il exprimerait après l’expiration du délai de quinze jours ne saurait constituer un refus motivé, au sens de ces dispositions. »
Par conséquent, le Conseil d’Etat confirme la décision de la Cour administrative d’appel en admettant que l’entreprise sous-traitante pouvait solliciter paiement des sommes dues directement auprès de la Commune, dès lors que le titulaire du marché n’avait pas émis de contestations dans le délai de quinze jours suivant la demande initiale de paiement et qu’il n’était aucunement contesté que les travaux avaient bien été réalisés.
Dans la seconde affaire, le Conseil d’Etat a eu à trancher une situation jusqu’alors inédite devant lui, puisque cette fois-ci le titulaire du marché a notifié de manière expresse et motivée son refus contre la demande de paiement direct formulée par le sous-traitant auprès du maitre d’ouvrage.
Le Conseil d’Etat s’est fondé sur les dispositions précitées pour confirmer l’impossibilité pour le sous-traitant d’être payé directement dès lors que le titulaire du marché s’est opposé à cette demande dans les quinze jours prévus par les textes.