Délit de défrichement : retour à la souche

Dans une décision du 4 janvier, la chambre criminelle de la Cour de cassation est venue préciser la portée des éléments constitutifs du défrichement au sens de l’article L. 341-1 du code forestier.
 
Cour de cassation, Crim, 4 janvier 2023, n° 22-80.393
 
Dans les faits de l’espèce, un particulier avait coupé en 2003 des arbres sur une de ses parcelles à destination forestière, à la suite d’une autorisation préfectorale qui lui avait été octroyée.
 
Plus de dix années plus tard, en 2014, le propriétaire a réalisé un dessouchage de ces parcelles sans aucune autorisation, arguant que ces dernières avaient perdu toute destination forestière avec la coupe des arbres de 2003.
 
Si la Cour d’appel avait pu assimiler la coupe d’arbres de 2003 à un défrichement, il n’en est pas de même pour la chambre criminelle de la Cour de cassation qui estime que les souches d’arbres rasés étaient restées, « sorte qu’il n’avait été mis fin ni à l’état boisé ni à la destination forestière des parcelles. »
 
Elle estime ainsi que la cour d’appel a méconnu le sens des articles L. 363-1, L. 341-1 et L. 341-3 du code forestier « est punissable le défrichement, effectué sans autorisation, consistant en toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l’état boisé d’un terrain et de mettre fin à sa destination forestière ».
 
La chambre criminelle vient ainsi affirmer d’une part que pour mettre fin à l’état boisé et donc à la destination forestière d’une parcelle, la coupe des arbres n’est pas suffisante et d’autre part que l’infraction de défrichement est caractérisée quand bien même l’opération n’aurait porté que sur des souches d’arbres préalablement coupés avec une autorisation.
 
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Une commune ne peut pas faire signer une charte prescrivant de manière trop précise les règles de conception et d’instruction de projets immobiliers à des promoteurs

TA Rouen, 26 janvier 2023, Cne. de Bois-Guillaume, n°2202586


Dans un arrêt du 26 janvier 2023, le Tribunal administratif de Rouen s’est prononcé sur la légalité de la délibération du Conseil Municipal de la commune de Bois-Guillaume qui avait créé une « Charte de l’urbanisme et du cadre de vie ».

 
Cette convention avait pour objet de « fixer les règles du jeu en matière de construction, d’aménagement et d’urbanisme » et « d’établir un référentiel commun qui dépasse le seul cadre réglementaire du Plan Local d’Urbanisme intercommunal (PLUi), par une approche plus qualitative et circonstanciée ».
 
A cet égard, la charte fixe des « engagements » qui « devront (…) être scrupuleusement appréhendés dans chaque opération » par les opérateurs immobiliers signataires de ce document. La délibération précise que « cette charte, après avoir été approuvée en conseil municipal, sera signée par l’ensemble des opérateurs immobiliers ».

 
Dans sa décision, le Tribunal administratif a jugé cette charte illégale car la commune n’est pas compétente pour prévoir des règles impératives relatives à la conception et à la réalisation de projets de construction qui, par leur nature, relèvent du domaine de la loi ou du règlement.

 
Ainsi, les communes ne peuvent imposer la signature d’engagements précis à l’égard d’opérateurs immobiliers quant à la conception ou à l’insertion et l’instruction de leurs projets.

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Le droit de préemption des SAFER peut s’exercer sur plusieurs départements à la fois et sans condition de superficie minimale

Conseil d’Etat, 1e et 4e chambres réunies, 17 février 2023, n°467360
(https://lnkd.in/erCXAXxy)
 
Le code rural et de la pêche maritime prévoit à son article L143-7 un droit de préemption en cas d’aliénation à titre onéreux de biens immobiliers à usage agricole et de biens mobiliers qui leur sont attachés ou de terrains nus à vocation agricole au profit des SAFER (sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural) un droit de préemption. Cet article renvoie par ailleurs à l’article R143-1 du même Code afin de déterminer les conditions de réalisation d’une telle procédure.
 
Dans la présente décision, le Conseil d’Etat est venu spécifier que « les dispositions ne s’opposent pas à ce que le droit de préemption mentionné à l’article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime, qui ne s’applique que pour l’aliénation de certains biens et dans les conditions prévues par cet article, puisse s’exercer sur une zone couvrant un ou plusieurs départements. »
 
Il estime que ces dernières « ne font par ailleurs pas obligation que le décret fixant les conditions d’exercice de ce droit de préemption détermine une superficie minimale des terrains auxquels il devrait s’appliquer. »
 

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Dark stores : Le Conseil d’Etat estime que la transformation de commerces en dark stores doit bien se faire après autorisation

Dans un très important arrêt publié le 23 mars, le Conseil d’Etat a statué sur le litige opposant la Ville de Paris aux sociétés Fritchi et Gorillas Technologies à propos de l’utilisation de leurs locaux en « dark stores ».

La Ville de Paris avait en effet ordonné en juin 2022 à ces sociétés de restituer à leur activité d’origine ces locaux commerciaux car aucune autorisation ne leur avait permis de changer de destination ces derniers. Notre associé Sébastien Bourillon avait d’ores et déjà procédé à une analyse à cet effet en juin dernier dans un article.

Si le juge des référés avait suspendu la décision de la Ville de Paris, le Conseil d’Etat a en revanche confirmé cette décision, annulant ainsi la suspension. Il estime ainsi que les « dark stores » constituent des entrepôts en tant qu’ils permettent de stocker des marchandises qui sont ensuite livrées et non vendues directement. 

Dès lors, le Conseil d’Etat considère que « cette nouvelle activité correspond bien à la catégorie « entrepôts », tant au regard du code de l’urbanisme que de celui du plan local d’urbanisme (PLU) de Paris ».

Aussi, le Conseil d’Etat rappelle les termes de l’article R.421-27 du Code de l’urbanisme qui prévoit que « Doivent être précédés d’une déclaration préalable lorsqu’ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R. 421-14 à R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants : […] / b) Les changements de destination d’un bâtiment existant entre les différentes destinations définies à l’article R. 151-27 ; pour l’application du présent alinéa, les locaux accessoires d’un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal et le contrôle des changements de destination ne porte pas sur les changements entre sous-destinations d’une même destination prévues à l’article R. 151-28 (…) ». Ainsi, il n’existait pas de doute sérieux quant à la légalité de la décision de la Ville de Paris, qui n’est dès lors plus suspendue.

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Intérêt à agir contre un permis modificatif : l’appréciation doit se faire au regard des modifications apportées au permis initial

Conseil d’Etat, 17 février 2023, n°454284 

 
Dans cette décision, le Conseil d’Etat est venu préciser la définition de l’intérêt à agir en matière d’urbanisme, plus spécifiquement contre un permis de construire modificatif.

 
En effet, si l’article L600-1-2 du Code de l’urbanisme semblait clair sur l’intérêt à agir contre une autorisation d’urbanisme initiale, il était en revanche quelque peu sibyllin concernant les décisions de modification de ces dernières.

 
Ainsi, le Conseil d’Etat a dû préciser que « Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial ou après avoir épuisé les voies de recours contre le permis initial, ainsi devenu définitif, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. »

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La « clause filet » concernant la soumission des projets ayant une incidence notable sur l’environnement à une évaluation environnementale sans aucun seuil est une obligation et non pas une option

CE 20 janvier 2023 Association France Nature Environnement, n°464129 et décret n° 2022-422 du 25 mars 2022 relatif à l’évaluation environnementale des projets



Dans cette décision, le Conseil d’Etat était saisi par les associations France Nature Environnement et France Nature Environnement Allier qui avaient précédemment obtenu une condamnation à injonction du premier ministre de prendre dans un délai de neuf mois (à compter de la décision du 15 avril 2021, n°425424 ) des « dispositions permettant qu’un projet susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement pour d’autres caractéristiques que sa dimension puisse être soumis à une évaluation environnementale. »

Cependant, le décret n’était intervenu que le 25 mars 2022, soit presqu’un an après et donc après le délai imparti. Les associations ont donc sollicité la         condamnation du premier ministre.

Le Conseil d’Etat a estimé que même si la publication de ce décret était intervenue deux mois après l’expiration du délai, sa précédente décision devait bien être regardée comme exécutée.

Outre cela, et c’est l’apport principal de cette décision pour les collectivités territoriales et les entreprises portant des projets pouvant faire l’objet de telles évaluations, le Conseil d’Etat estime qu’ « en deuxième lieu, ces dispositions, notamment celles précitées du I de l’article R.122-2-1, instituent bien une obligation, et non une simple option, à la charge de l’autorité compétente. »

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Le Bail réel solidaire d’activité : un nouveau moyen à disposition des organismes de foncier solidaire (OFS) dans un souci de mixité fonctionnelle.

Par une ordonnance publiée au Journal officiel du 9 février (prise sur habilitation de la loi dite « 3DS »), le Gouvernement vient de créer un nouveau dispositif dans un chapitre VI créé spécifiquement dans le titre V du livre II du Code de la construction et de l’habitation (CCH).

Le bail réel solidaire d’activité, largement inspiré du bail réel solidaire, consiste à étendre les compétences des organismes de foncier solidaire aux locaux à usage professionnel ou commercial.

Ce nouveau type de bail, conçu avant tout dans un objectif de mixité fonctionnelle, consiste à ce qu’un OFS puisse consentir à un preneur pour une durée comprise entre 12 et 99 ans, des droits réels en vue de la location ou de l’accession à la propriété de tels locaux.

Néanmoins, ce dispositif n’est destiné qu’aux microentreprises (selon la définition de la recommandation 2003/361/ CE de la Commission du 6 mai 2003) et répond à des conditions de fixation de plafonds de prix de cession des droits réels qui doivent être définis ultérieurement par décret en Conseil d’Etat.

De plus, l’OFS pourra fixer d’autres critères fondés notamment sur le chiffre d’affaires, le statut ou le type d’activité, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat.

L’ordonnance définit par ailleurs de manière précise les droits et obligations des parties au contrat de bail dans une seconde section.

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Légalité du rehaussement exceptionnel du volume global d’électricité cessible : pas d’atteinte au principe de libre-concurrence

Conseil d’Etat, 9e et 10e chambres réunies, 3 février 2023, n° 462840

Dans cette décision, le Conseil d’Etat est venu vérifier la légalité mais également la conventionnalité du décret du 11 mars 2022 qui définit les modalités d’attribution d’un volume additionnel d’électricité pouvant être alloué en 2022, à titre exceptionnel, dans le cadre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) ainsi que de deux arrêtés ministériels du même jour fixant ces volumes et leur prix.

Le Conseil d’Etat a confirmé la légalité et la conventionnalité desdits décret et arrêtés qui trouvent leur base légale dans l’article L. 336-10 du code de l’énergie et n’empiètent pas sur le domaine de la loi défini à l’article 34 de la Constitution.

Il prend pour cela en considération le fait que ces mesures ont été prises pour répondre à une hausse exceptionnelle des prix de gros de l’électricité, ce qui poursuit le double objectif d’intérêt général assigné à l’ARENH de garantir la liberté de choix du fournisseur d’électricité en développant et en maintenant une concurrence équilibrée sur le marché de la fourniture d’électricité et, d’autre part, à assurer la stabilité des prix à un niveau raisonnable pour le consommateur final.

Par ailleurs, ces mesures ne portent pas atteinte au principe de libre-concurrence protégé par le paragraphe 1 de l’article 107 du TFUE et ne constituent pas de fait une aide d’Etat puisque le Conseil d’Etat retient que le « mécanisme [instauré opère] un rééquilibrage des charges entre opérateurs sur le marché de l’électricité français aux fins de favoriser la concurrence ».

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Directeur de cabinet et détournement de fonds publics

Cour de cassation, chambre criminelle, 16 mars 2022, n°21-82.254

Dans cet arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation est venue préciser la définition du délit de détournement de fonds publics prévue par l’article 432-15 du code pénal.

Dans le cas de l’espèce, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel en ce que cette dernière n’avait pas vérifié que la directrice de cabinet du maire bénéficiait d’une délégation de signature de la part de ce dernier au moment de la commission des faits.

La Cour de cassation rappelle également que les fonctions de directeur de cabinet sont insuffisantes en elle-même pour démontrer que des fonds lui ont été remis à raison de ladite fonction.

Ainsi, afin de caractériser le délit de détournement de fonds publics tel que prévu par l’article 432-15 du code pénal, il est nécessaire de s’assurer de l’existence ou non d’une délégation de signature pour les factures litigieuses permettant de les mettre en paiement.

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Une loi pour limiter l’engrillagement

Loi n° 2023-54 du 2 février 2023 visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée

Cette nouvelle loi publiée au Journal officiel du 3 février 2023 vient apporter des modifications au Code de l’environnement afin de réglementer l’implantation des clôtures en zone naturelle et agricole de telle manière à permettre en tout temps la libre circulation des animaux sauvages.

Ainsi, l’article 1er de la présente loi vient modifier l’article L371-2 du Code de l’environnement de telle manière que « Les clôtures implantées dans les zones naturelles ou forestières délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme en application de l’article L. 151-9 du code de l’urbanisme ou, à défaut d’un tel règlement, dans les espaces naturels permettent en tout temps la libre circulation des animaux sauvages. Elles sont posées 30 centimètres au-dessus de la surface du sol, leur hauteur est limitée à 1,20 mètre et elles ne peuvent ni être vulnérantes ni constituer des pièges pour la faune. »

Il prévoit par ailleurs que les clôtures existantes sont mises en conformité avant le 1er janvier 2027, notamment pour toute réfection ou rénovation. Il ne s’applique pas à certains cas limitativement énumérés comme les clôtures des parcs d’entraînement, de concours ou d’épreuves de chiens de chasse ou encore les clôtures des élevages équins.

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