L’Ordre des Architectes condamné pour avoir permis des ententes anticoncurrentielles

Cass. com., 1er février 2023, n° 20-21844, publié au Bulletin
(https://lnkd.in/ec5TYHU9)

Dans un arrêt du 1er février dernier, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a confirmé la condamnation de l’Ordre des Architectes ainsi que six sociétés d’architectes pour des pratiques qui consistaient « à diffuser et à imposer une méthode de calcul d’honoraires à l’ensemble des architectes de plusieurs régions, [et] à diffuser un modèle de saisine de la chambre de discipline en cas d’allégation de concurrence déloyale contre les architectes pratiquant des prix bas, ces saisines ayant vocation à être déposées et défendues par les conseils régionaux de l’ordre (Croa). »

L’Ordre des Avocats estimait que l’Autorité de la Concurrence, qui l’avait poursuivi et sanctionné par une amende à hauteur de 1.5 millions d’euros n’était pas compétente en la matière mais également que ce n’était pas l’Ordre lui-même qui avait permis ces ententes mais les le Conseil national (Cnoa) et quelques conseils régionaux (CROA).

La chambre commerciale a balayé ces arguments en soulignant que l’Autorité de la concurrence était bel et bien compétente puisque l’Ordre n’agissait pas ici dans le cadre de sa mission de service public et ne faisait aucunement usage de ses prérogatives de puissance publique. De plus, si l’entente avait effectivement été permise principalement par le Cnoa et les CROA, ces derniers ne sont pas autonomes de l’Ordre, qui est le seul à posséder la personnalité morale.

Dès lors, la Cour de cassation a estimé que c’est à bon droit que l’Ordre des Architectes a été sanctionné par l’Autorité de la concurrence pour avoir permis de telles ententes concurrentielles via l’instauration d’un modèle de calcul d’honoraires de l’ensemble des architectes de chaque région.

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Définition des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts : le Conseil d’Etat valide les critères du caractère répandu de l’espèce concernée et de présence d’espèces vulnérables

Conseil d’État, 5e et 6e chambres réunies, 1er mars 2023, n°464089
(https://lnkd.in/epVZZvMA)

Dans cette décision du 1er mars 2023, le Conseil d’Etat était amené à statuer sur l’arrêté du ministre de l’Environnement relatif à la définition des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts dans plusieurs communes du département des Vosges, pris sur le fondement de l’article R427-6 du code de l’environnement.

Afin de statuer sur cette requête déposée par une association de protection de la faune qui demandait l’annulation du présent arrêté en ce qu’il incluait le renard roux, le Conseil d’Etat a dû se prononcer sur les critères retenus pour établir un tel arrêté.

Les juges du Palais Royal ont ainsi validé l’arrêté attaqué en soulignant que ce dernier se fondait sur des critères satisfaisants à savoir la présence de volailles et d’élevage de léporidés et de petit gibier, la réalisation d’au moins un lâcher de repeuplement de petit gibier et les déclarations de dégâts de renard.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat souligne qu’il ressort des pièces du dossier que le Ministre a bien pris en considération que le renard roux, qui apporte une contribution positive à l’écosystème forestier dans un département où la couverture forestière est particulièrement importante, est néanmoins susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés par le II de l’article R. 427-6 du code de l’environnement dans les communes du département des Vosges mentionnées par l’arrêté.

Ainsi, le Conseil d’Etat rejette la requête en ce que le Ministre n’a commis aucune erreur d’appréciation.

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L’éga-conditionnalité dans la commande publique : un index contre les entreprises ne respectant pas assez l’égalité femmes-hommes

Concept promu dès 2016 par le Haut Conseil à l’Egalité, le concept d’éga-conditionnalité consiste à intégrer comme critère de sélection dans le cadre des marchés publics, l’index relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
 
Dans une interview donnée au Magazine ELLE le jeudi 2 mars, la Première ministre a annoncé la mise en place de ce critère d’éga-conditionnalité dans les marchés publics.
 
Telle que présentée dans cette interview, la mesure consisterait à reprendre l’index « Pénicaud » mis en place par la loi Avenir Professionnel de 2019 et qui consiste à noter sur 100 points l’égalité entre les femmes et les hommes au sein d’une même entreprises selon 4 ou 5 indicateurs :
l’écart de rémunération femmes-hommes,
l’écart de répartition des augmentations individuelles,
l’écart de répartition des promotions (uniquement dans les entreprises de plus de 250 salariés),
le nombre de salariées augmentées à leur retour de congé de maternité,
la parité parmi les 10 plus hautes rémunérations.
 
Cet index doit être publié chaque année au 1er mars pour toutes les entreprises, associations ou syndicats de plus de 50 salariés, avec la note pour chacun des indicateurs.
 
Les entreprises qui auraient une note moyenne inférieure à 85 points doivent fixer et publier des objectifs aux fins de tendre vers une note de 85 points. Quant à celles ayant une note inférieure à 75, elles doivent en principe communiquer au sein de l’entreprise mais également à l’extérieur sur les mesures précises de correction de ces disparités importantes.
 
Mais cet indice, créé en 2019, n’est encore que très peu publié puisque seulement 61% des entreprises de plus de 50 salariés l’avaient communiqué, et seulement 32 pénalités financières ont été appliquées depuis 2019.
 
L’annonce de la Première ministre préfigure sûrement une nouvelle dimension pour cet index, qui devrait en effet devenir un critère important voire une condition sine qua none à l’égard des entreprises pour pouvoir prétendre à l’obtention de marchés publics.
 
En effet, la mesure annoncée pourrait en pratique prendre la forme d’une interdiction de soumissionner pour les entreprises ayant un index inférieur à une note de 75 sur 100, comme cela a été le cas avec la création d’un article L. 2141-7-1 du Code de la commande publique qui interdit de manière facultative la possibilité de soumissionner aux entreprises qui n’ont pas publié leur plan de vigilance.
 
Ainsi, l’appréciation reviendra à l’acheteur public qui pourra déterminer si une telle interdiction est pertinente dans son appel d’offres.
 
La création d’un tel critère d’éga-conditionnalité apparait dès lors être une avancée, mais il reste encore à voir comment celle-ci sera mise en œuvre, et donc si elle aura une réelle effectivité.

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Risques d’atteintes à la salubrité et à la sécurité publique : il faut tenir compte tant de la probabilité que de la gravité de leurs conséquences pour refuser un permis de construire

Conseil d’État, 5e et 6e chambres réunies, 1er mars 2023, n° 455629


Dans une décision du 1er mars, le Conseil d’Etat est venu préciser les modalités d’appréciation des risques d’atteintes à la salubrité et à la sécurité publiques évoqués dans l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme.
 
En effet, dans cette décision, les 5e et 6e chambres ont estimé qu’« il appartient à l’autorité d’urbanisme compétente et au juge de l’excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d’atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s’ils se réalisent. »
Toutefois, la plus haute juridiction administrative ne manque pas de souligner que les considérations relatives à la commodité du voisinage ne relèvent pas de la salubrité publique au sens de ces dispositions.

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Délit de défrichement : retour à la souche

Dans une décision du 4 janvier, la chambre criminelle de la Cour de cassation est venue préciser la portée des éléments constitutifs du défrichement au sens de l’article L. 341-1 du code forestier.
 
Cour de cassation, Crim, 4 janvier 2023, n° 22-80.393
 
Dans les faits de l’espèce, un particulier avait coupé en 2003 des arbres sur une de ses parcelles à destination forestière, à la suite d’une autorisation préfectorale qui lui avait été octroyée.
 
Plus de dix années plus tard, en 2014, le propriétaire a réalisé un dessouchage de ces parcelles sans aucune autorisation, arguant que ces dernières avaient perdu toute destination forestière avec la coupe des arbres de 2003.
 
Si la Cour d’appel avait pu assimiler la coupe d’arbres de 2003 à un défrichement, il n’en est pas de même pour la chambre criminelle de la Cour de cassation qui estime que les souches d’arbres rasés étaient restées, « sorte qu’il n’avait été mis fin ni à l’état boisé ni à la destination forestière des parcelles. »
 
Elle estime ainsi que la cour d’appel a méconnu le sens des articles L. 363-1, L. 341-1 et L. 341-3 du code forestier « est punissable le défrichement, effectué sans autorisation, consistant en toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l’état boisé d’un terrain et de mettre fin à sa destination forestière ».
 
La chambre criminelle vient ainsi affirmer d’une part que pour mettre fin à l’état boisé et donc à la destination forestière d’une parcelle, la coupe des arbres n’est pas suffisante et d’autre part que l’infraction de défrichement est caractérisée quand bien même l’opération n’aurait porté que sur des souches d’arbres préalablement coupés avec une autorisation.
 
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Une commune ne peut pas faire signer une charte prescrivant de manière trop précise les règles de conception et d’instruction de projets immobiliers à des promoteurs

TA Rouen, 26 janvier 2023, Cne. de Bois-Guillaume, n°2202586


Dans un arrêt du 26 janvier 2023, le Tribunal administratif de Rouen s’est prononcé sur la légalité de la délibération du Conseil Municipal de la commune de Bois-Guillaume qui avait créé une « Charte de l’urbanisme et du cadre de vie ».

 
Cette convention avait pour objet de « fixer les règles du jeu en matière de construction, d’aménagement et d’urbanisme » et « d’établir un référentiel commun qui dépasse le seul cadre réglementaire du Plan Local d’Urbanisme intercommunal (PLUi), par une approche plus qualitative et circonstanciée ».
 
A cet égard, la charte fixe des « engagements » qui « devront (…) être scrupuleusement appréhendés dans chaque opération » par les opérateurs immobiliers signataires de ce document. La délibération précise que « cette charte, après avoir été approuvée en conseil municipal, sera signée par l’ensemble des opérateurs immobiliers ».

 
Dans sa décision, le Tribunal administratif a jugé cette charte illégale car la commune n’est pas compétente pour prévoir des règles impératives relatives à la conception et à la réalisation de projets de construction qui, par leur nature, relèvent du domaine de la loi ou du règlement.

 
Ainsi, les communes ne peuvent imposer la signature d’engagements précis à l’égard d’opérateurs immobiliers quant à la conception ou à l’insertion et l’instruction de leurs projets.

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Le droit de préemption des SAFER peut s’exercer sur plusieurs départements à la fois et sans condition de superficie minimale

Conseil d’Etat, 1e et 4e chambres réunies, 17 février 2023, n°467360
(https://lnkd.in/erCXAXxy)
 
Le code rural et de la pêche maritime prévoit à son article L143-7 un droit de préemption en cas d’aliénation à titre onéreux de biens immobiliers à usage agricole et de biens mobiliers qui leur sont attachés ou de terrains nus à vocation agricole au profit des SAFER (sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural) un droit de préemption. Cet article renvoie par ailleurs à l’article R143-1 du même Code afin de déterminer les conditions de réalisation d’une telle procédure.
 
Dans la présente décision, le Conseil d’Etat est venu spécifier que « les dispositions ne s’opposent pas à ce que le droit de préemption mentionné à l’article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime, qui ne s’applique que pour l’aliénation de certains biens et dans les conditions prévues par cet article, puisse s’exercer sur une zone couvrant un ou plusieurs départements. »
 
Il estime que ces dernières « ne font par ailleurs pas obligation que le décret fixant les conditions d’exercice de ce droit de préemption détermine une superficie minimale des terrains auxquels il devrait s’appliquer. »
 

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Dark stores : Le Conseil d’Etat estime que la transformation de commerces en dark stores doit bien se faire après autorisation

Dans un très important arrêt publié le 23 mars, le Conseil d’Etat a statué sur le litige opposant la Ville de Paris aux sociétés Fritchi et Gorillas Technologies à propos de l’utilisation de leurs locaux en « dark stores ».

La Ville de Paris avait en effet ordonné en juin 2022 à ces sociétés de restituer à leur activité d’origine ces locaux commerciaux car aucune autorisation ne leur avait permis de changer de destination ces derniers. Notre associé Sébastien Bourillon avait d’ores et déjà procédé à une analyse à cet effet en juin dernier dans un article.

Si le juge des référés avait suspendu la décision de la Ville de Paris, le Conseil d’Etat a en revanche confirmé cette décision, annulant ainsi la suspension. Il estime ainsi que les « dark stores » constituent des entrepôts en tant qu’ils permettent de stocker des marchandises qui sont ensuite livrées et non vendues directement. 

Dès lors, le Conseil d’Etat considère que « cette nouvelle activité correspond bien à la catégorie « entrepôts », tant au regard du code de l’urbanisme que de celui du plan local d’urbanisme (PLU) de Paris ».

Aussi, le Conseil d’Etat rappelle les termes de l’article R.421-27 du Code de l’urbanisme qui prévoit que « Doivent être précédés d’une déclaration préalable lorsqu’ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R. 421-14 à R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants : […] / b) Les changements de destination d’un bâtiment existant entre les différentes destinations définies à l’article R. 151-27 ; pour l’application du présent alinéa, les locaux accessoires d’un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal et le contrôle des changements de destination ne porte pas sur les changements entre sous-destinations d’une même destination prévues à l’article R. 151-28 (…) ». Ainsi, il n’existait pas de doute sérieux quant à la légalité de la décision de la Ville de Paris, qui n’est dès lors plus suspendue.

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Intérêt à agir contre un permis modificatif : l’appréciation doit se faire au regard des modifications apportées au permis initial

Conseil d’Etat, 17 février 2023, n°454284 

 
Dans cette décision, le Conseil d’Etat est venu préciser la définition de l’intérêt à agir en matière d’urbanisme, plus spécifiquement contre un permis de construire modificatif.

 
En effet, si l’article L600-1-2 du Code de l’urbanisme semblait clair sur l’intérêt à agir contre une autorisation d’urbanisme initiale, il était en revanche quelque peu sibyllin concernant les décisions de modification de ces dernières.

 
Ainsi, le Conseil d’Etat a dû préciser que « Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial ou après avoir épuisé les voies de recours contre le permis initial, ainsi devenu définitif, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. »

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La « clause filet » concernant la soumission des projets ayant une incidence notable sur l’environnement à une évaluation environnementale sans aucun seuil est une obligation et non pas une option

CE 20 janvier 2023 Association France Nature Environnement, n°464129 et décret n° 2022-422 du 25 mars 2022 relatif à l’évaluation environnementale des projets



Dans cette décision, le Conseil d’Etat était saisi par les associations France Nature Environnement et France Nature Environnement Allier qui avaient précédemment obtenu une condamnation à injonction du premier ministre de prendre dans un délai de neuf mois (à compter de la décision du 15 avril 2021, n°425424 ) des « dispositions permettant qu’un projet susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement pour d’autres caractéristiques que sa dimension puisse être soumis à une évaluation environnementale. »

Cependant, le décret n’était intervenu que le 25 mars 2022, soit presqu’un an après et donc après le délai imparti. Les associations ont donc sollicité la         condamnation du premier ministre.

Le Conseil d’Etat a estimé que même si la publication de ce décret était intervenue deux mois après l’expiration du délai, sa précédente décision devait bien être regardée comme exécutée.

Outre cela, et c’est l’apport principal de cette décision pour les collectivités territoriales et les entreprises portant des projets pouvant faire l’objet de telles évaluations, le Conseil d’Etat estime qu’ « en deuxième lieu, ces dispositions, notamment celles précitées du I de l’article R.122-2-1, instituent bien une obligation, et non une simple option, à la charge de l’autorité compétente. »

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